Journalistes et féministes

Entre assignation à des stéréotypes et stigmatisation au travail

Auteurs-es

  • Laure Beaulieu Université Paris 13

DOI :

https://doi.org/10.25200/SLJ.v8.n2.2019.402

Mots-clés :

journalisme, féminisme, militantisme, stigmatisation

Résumé

 

 

FR. Trois groupes de femmes journalistes, qui dénoncent les inégalités liées au genre dans les rédactions et les représentations stéréotypées des femmes dans les productions journalistiques, sont apparus au tournant des années 2010 en France. Dans cet article, nous cherchons à interroger les tensions entre les logiques d’actions militantes et le statut de « professionnelle » du journalisme, et à appréhender quels sont les coûts et les rétributions de l’engagement féministe pour les journalistes étudiées. Dans la première partie, nous distinguons trois formes idéale-typiques d’articulation entre féminisme et journalisme : celles que l’on appelle les « politiques », les « expertes » et les « élitistes ». Nous abordons ensuite les stéréotypes stigmatisants auxquels sont assignés les femmes journalistes féministes dans leurs rédactions. Dans une deuxième partie, nous évoquons les conséquences de cette assignation à des stéréotypes dans les relations avec les collègues, avec la hiérarchie, et les coûts pour les carrières professionnelles et pour la pratique journalistique. On montre que les coûts varient en fonction de la forme d’articulation entre féminisme et journalisme. Les femmes de l’idéal-type des « politiques » subissent plus souvent la stigmatisation que les « expertes » et les « élitistes » qui adoptent, elles, des stratégies pour limiter les coûts. Nous évoquons, en outre, les ressources professionnelles que peut constituer l’engagement féministe pour les journalistes étudiés. Le fait d’être assignée au stéréotype de la féministe les rend visibles à l’intérieur de leur rédaction où elles peuvent acquérir une position de spécialistes sur les questions de genre et de féminisme. Cet engagement peut aussi les rendre visibles à l’extérieur de leurs rédactions, si elles sont invitées dans des émissions de télé ou de radio comme porte-parole d’un collectif ou pour parler d’une de leur production. Les liens créés dans un collectif autorisent enfin dans certains cas des formes de solidarité entre des femmes exerçant dans différentes rédactions.

 

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EN. Three groups of female journalists have emerged in the 2010s in France denouncing gender inequalities in newsrooms and stereotyped representations of women in journalistic production. In this article, we examine the tensions between activism rationales and the status of the journalism professional. First, we distinguish three different ideal-typical relationships between feminism and journalism: the “political,” the “experts” and the “elitists,” and  how female and feminist journalists are stigmatized according to stereotypes in their newsrooms. Second, we examine the consequences of these stigmatizing stereotypes on relations with colleagues and the corporate hierarchy, and the costs they have on professional careers and the practice of journalism. We demonstrate how these effects vary depending on the link between journalism and feminism: the “political” are stigmatized more than the “experts” or the “elitists,” for example, who adopt strategies to mitigate iniquities. We also examine the professional resources feminist engagement may attract. For example, being assigned a feminist stereotype may afford a journalist higher visibility inside the newsroom, where she may acquire a position as an expert on gender and feminist issues. She may also become more visible outside the newsroom if she is invited to talk about her work or as the spokesperson for a group on TV or radio shows. Feminist engagement and the bonds created within the group may also create solidarity between journalists working for different media.

 

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PT. Três grupos de jornalistas, denunciando desigualdades de gênero nas redações e representações estereotipadas de mulheres em produções jornalísticas, surgiram nos anos 2010 na França. Neste artigo, questionamos as tensões entre a lógica do ativismo e o status profissional do jornalismo. Na primeira parte, distinguimos três vínculos ideais-típicos diferentes entre feminismo e jornalismo: os chamados “políticos”, os “especialistas” e os “elitistas”. Depois, falamos sobre como as jornalistas femininas e feministas são designadas a estereótipos estigmatizantes em suas redações. Na segunda parte, evocamos as conseqüências da atribuição de estereótipos estigmatizantes para relacionamentos com colegas e com a hierarquia. Também mencionamos os custos para carreiras profissionais e a prática do jornalismo. Mostramos que os custos não são os mesmos de acordo com a forma de interligação entre jornalismo e feminismo: os "políticos" são mais estigmatizados do que os "especialistas" ou os "elitistas". Finalmente, falamos sobre os recursos profissionais que o engajamento feminista pode constituir para jornalistas. Ser nomeado com estereótipos feministas pode torná-los visíveis dentro da redação, onde elas adquirem uma posição como especialista em questões de gênero e feministas. Elas também podem ser mais visíveis fora da redação, se forem convidadas para a TV ou em programas de rádio para falar sobre seus trabalhos ou como porta-voz de um grupo. O engajamento feminista e os vínculos criados em um grupo também podem criar solidariedade entre jornalistas que trabalham para diferentes mídias.

 

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Publié-e

20-12-2019

Comment citer

Beaulieu, L. (2019). Journalistes et féministes: Entre assignation à des stéréotypes et stigmatisation au travail. Sur Le Journalisme, About Journalism, Sobre Jornalismo, 8(2), 62–77. https://doi.org/10.25200/SLJ.v8.n2.2019.402